La Tunisie : entre la démocratisation et l’islamisation de la politique ?

La Tunisie : entre la démocratisation et l'islamisation de la politique ?

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Une des grandes questions qu’on se pose aujourd’hui sur l’avenir de la Tunisie concerne le rôle d’un parti confessionnel islamiste qui, en coalition avec deux partis laïques, domine largement la scène politique nationale tunisienne depuis 2011. Les protestations, les émeutes et les concentrations populaires médiatisées dans le monde entier qui ont débuté en décembre 2010 et qu’ont continué depuis cette époque à rassembler le peuple tunisien dans les rues avaient une consigne assez claire : ils voulaient de la liberté, ils voulaient du travail, ils voulaient de la dignité. Ils ont renversé un régime autoritaire et ont exigé à la classe politique tunisienne d’instaurer une démocratie. A priori, il semblerait que la religion n’a pas joué un rôle important dans la révolution tunisienne.

Un des acquis les plus importants de cette révolution fut la mise en place des élections « libres et transparentes ». Pourtant, les élections qui ont eu lieu en octobre 2011 pour créer une Assemblée nationale constituante chargée de rédiger la nouvelle constitution politique tunisienne ont donné une victoire au parti Ennahda, un parti islamiste qui se réclame de l’islam politique mais qu’adhère, au moins dans son discours, aux idéaux de liberté et démocratie et aux acquis modernes de la Tunisie. À partir de ce moment, le principe de la laïcité sur laquelle s’est construit l’État tunisien risque d’être remise en question. Le départ de Ben Ali suite à la révolution, et la dissolution de son parti RCD, ont laissé un vide politique. Les islamistes ont tenté de combler ce vide, au profit de l’islamisation de la politique tunisienne. Ayant suivi une forte répression de la part de l’État dans le passé, la révolution tunisienne semble ouvrir les portes de l’État aux islamistes. Depuis ce moment, la Tunisie se trouve dans un débat constant sur son avenir : démocratisation ou islamisation ?

Le premier article de la constitution approuvée en 2014, par exemple, reste le même que dans l’ancienne constitution : « La Tunisie est un État libre, indépendant et souverain, l’islam est sa religion, l’arabe sa langue et la République son régime ». Mais il y a un grand débat sur l’interprétation de cet article. Est l’Islam la religion de la Tunisie ? Ou bien, est-elle la religion d’État ? Cette nuance, pour simple qu’elle puise paraître, peut avoir des conséquences fondamentales pour l’avenir de la Tunisie. Une interprétation implique un lien historique entre la population tunisienne et l’islam, tout en respectant les principes de la liberté de culte, de conscience et le principe de la séparation entre l’État et la religion. L’autre, plus proche des principes de l’islam politique, constitue la base sur laquelle construire une société théocrate où l’islam occupe une place privilégie dans la vie politique, voire une congruence totale entre la politique et la religion.

Comme le disait Yadh Ben Achour, Président de la Haute instance pour la réalisation des objectifs de la révolution en 2011, la révolution tunisienne de 2011 n’a pas porté le même message que les élections de fin 2011 : « nous pouvons affirmer que la confrontation auquel (sic) nous assistons aujourd’hui (…) oppose en vérité, mais également associe, ces deux émanations du peuple tunisien : celle de la révolution et celle des élections. On peut le constater à travers l’ensemble des conduites, débats d’idées et polémiques qui agitent, en ce mois de novembre 2011, l’opinion publique » (1). Démocratisation ou islamisation, celui-ci semble être un débat qui traverse la vie politique tunisienne. Un débat qui va peser dans l’avenir proche de la société et la politique tunisiennes.

Samuel

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