Hier, c’est-à-dire le mercredi 23 avril 2014 à 11h, des associations de la société civile tunisienne pour la défense des droits de l’Homme et de l’égalité entre hommes et femmes se sont rassemblées place du Bardo, devant le palais du Bardo où siège l’Assemblée Nationale Constituante.
Leur but était de faire pression sur les députés qui sont ces jours-ci en train de voter article par article la loi électorale en vue de l’organisation d’élections législatives d’ici la fin de l’année. Cette pression concerne plus précisément l’article 23 de la nouvelle loi, relative à la parité et aux quotas de femmes. Il ne s’agit pas d’un article ordinaire, puisque si l’ANC a voté pour l’instant quasiment tous les articles du 1 au 92, l’article 23 bénéficie d’un régime particulier et son vote ainsi que celui de ses amendements a été remis à plus tard.
La plénière va revenir plus tard à l’article 23 http://t.co/WQEG3nqNLY vu qu’il comporte 26 amendements #TnAC #TnElec #Art23
— AlBawsala (@AlBawsalaTN) April 21, 2014
L’article 46 de la constitution votée en janvier 2014 prévoit que l’État s’engage à mettre en place la parité entre hommes et femmes au sein des conseils d’élus. Si la loi électorale de 2011 consacre la parité dans les listes de candidats (parité dite verticale) avec alternance homme/femme, cela est loin de garantir une parité au sein de l’Assemblée, puisque sans trop de surprise les hommes seront quasi systématiquement préférés aux femmes en tant que tête de liste. Ainsi, il n’est pas si étonnant que ça de constater qu’Ennahda est le seul parti dont presque la moitié des députés sont des femmes (42 sur 89), puisque c’est le seul partir ayant obtenu au moins deux sièges dans la quasi-totalité des circonscriptions. Toutes ces femmes ne sont autres que les secondes de ces listes dont toutes les têtes étaient des hommes. À l’échelle de la Tunisie, seules 7% des têtes de liste étaient des femmes.
Repassons maintenant à la loi électorale de 2014. L’article 23 dans sa version initiale prévoit une fois encore la parité verticale avec alternance, mais, innovation qui répond probablement à l’exigence constitutionnelle, il impose également qu’au moins un tiers des têtes de listes affiliées à un même parti politique soient des femmes (quotas dits horizontaux).
Les associations de la société civile qui se sont rassemblées devant l’ANC hier ont élevé la voix sur deux sujets. D’une part, elles réclamaient l’assurance que les députés ne reviendraient pas sur la parité telle qu’elle est déjà acquise, malgré les réserves connues d’Ennahda sur ce principe qui tend à donner à la femme une place aussi importante que l’homme dans la vie politique du pays. D’autre part, elles réclamaient d’aller plus loin que ce que la version actuelle de l’article impose, affirmant que l’heure des compromis est finie, et que la femme tunisienne d’aujourd’hui a le droit d’être en tête de liste autant que l’homme tunisien : elles réclament la parité horizontale totale.
Dans une société très religieuse où “femme” est systématiquement associé à “famille” et “enfant”, l’égalité entre homme et femme est quelque chose rarement pris au sérieux. Ainsi, les mots d’ordre de cette société civile, “égalité et parité” (qui est également le nom d’une des associations qui a appelé au rassemblement) sont des revendications loin d’être consensuelles. Dans une ANC encore dominée par Ennahda on peut certes espérer que la parité verticale et le quota horizontal d’un tiers soient conservés, mais on peut légitimement douter qu’un amendement proposant la parité horizontale ait du succès. Cependant, la démarche de ces femmes et de ces hommes militants des droits des femmes, c’est aussi réclamer plus pour s’assurer qu’il soit bien compris que ce qui existe déjà, il n’est pas même envisageable de la remettre en question.
Pour plus d’information : L’article 23 de la loi électorale et ses propositions d’amendements chez Al Bawsala
Le Huffpost Maghreb sur la vulnérabilité de l’inscription de la parité dans la loi électorale et sur le rassemblement d’hier matin
Suzanne